samedi 1 octobre 2016

Contrôle au faciès

Savoir que quelque chose existe et en faire soi même l'expérience sont deux réalités bien différentes.


Copie de mon courrier à la direction de la Police Strasbourgeoise. Une démarche certainement inutile.
En même temps je me devais de le faire ...

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Strasbourg, le vendredi 30 Septembre 2016


Objet : Contrôle arbitraire, délit de faciès, racisme, préjugés et incompétence
Copie : IGPN, DNA


Monsieur,

J'ai hier après midi pour la première fois de ma vie, j'ai 53 ans,  subi un contrôle d'identité assorti d'une fouille en bonne et due forme.
La prévention fait partie des missions des forces de l'ordre que je ne conteste pas, et je ne me plaindrais pas aujourd'hui si une raison valable avait justifié ce contrôle.

Mais dans cette petite histoire que je me  permets de vous raconter il faudra certainement  longtemps pour me convaincre que deux personnes discutant tranquillement sur un banc aient pu représenter une quelconque  menace à l'ordre public, ou laisser penser qu'un délit ait pu être en cours de réalisation.
C'est que voyez vous je cherche encore ces fameux indices concrets prévus par la loi sensés déterminer la décision d'un contrôle et d'une fouille.

Je me trouvais donc  hier en début d'après midi Place de Zurich, assis sur l'un des bancs qui bordent cette place, profitant un petit moment de cette belle arrière saison à discuter avec un ami.
Venant de la rue de Zurich une voiture Police est alors apparue,  et à petite vitesse s'est engagée sur la place. Parvenue à notre niveau et distante à ce moment là d'une vingtaine de mètres, elle a ralenti, ses passagers nous observant soudainement avec grande attention.

Je dois noter que d'autres bancs de la place étaient également occupés, mais curieusement ne semblaient pas intéresser ces fonctionnaires en patrouille.
Qu'avions nous donc pu faire pour piquer ainsi la curiosité des forces de l'ordre ?
C'est peut-être le moment de préciser que contrairement à l'auteur de ces lignes qui a une bonne gueule de Gaulois, c'est très tendance en ce moment, la personne qui m'accompagnait a le teint plutôt basané, qu'il porte des cheveux longs  coiffés selon les humeurs du vent et  qu'il se rase rarement. Nous y voilà. Une bonne gueule d'Arabe si vous préférez, et donc par là même immédiatement suspecte selon la vision raccourcie des agents en présence.

Quelques minutes plus tard, alors que nous ne pensions déjà plus à cette scène, voilà brusquement notre banc cerné par cette même patrouille dont la voiture s'était garée discrètement derrière nous.
Le contrôle d'identité effectué ne suffit manifestement pas à ces fonctionnaires zélés.
Mais de quoi pouvions nous bien être suspectés ?
Il  nous fut ensuite  demandé de vider nos poches avant de devoir subir pour terminer une fouille au corps .
Il me sera peut-être répondu sur ce point qu'il ne s'agissait là que d'une palpation de sécurité selon la terminologie officielle. Si l'on veut, mais voir mes bas de pantalons relevés et mes chevilles indélicatement tripotées me fait insister  sur l'expression de  fouille au corps.
Et qu'étaient donc sensés receler mes pauvres chaussettes ? De la drogue bien sûr.

Voilà donc deux personnes devisant paisiblement sur un banc, et parce que l'une est d'origine maghrébine, mal peignée et pas rasée il est forcément question de consommation ou de trafic de drogue.
C'est évident !

J'aimerais dire un mot sur l'attitude hautaine et arrogante du chef de cette petite troupe à notre égard. Je me demanderai longtemps par exemple pourquoi au cours de cette désagréable petite  demi heure ce monsieur se sentit obligé de répéter à trois reprises qu'il était dans la police depuis trente ans et qu'il n'avait à rougir d'aucune de ses actions.
Il pourrait toujours commencer par celle-ci !

Egalement, alors qu'il fouillait mon petit sac à dos et que je m'excusais, un peu bêtement je dois dire, de l'innommable "bordel" qui y régnait ce brillant officier me répondit qu'il ne portait pas de jugement de valeur, terminant son exploration en me déclarant agressivement que "c'est ça la France". Allez comprendre !

J'ai pour ma part très mal vécu cette scène, vexatoire et humiliante. Nous voir traités mon camarade et moi comme des délinquants par  caprice un tantinet raciste d'un fonctionnaire de police, en plein après midi, en public est extrêmement désagréable et perturbant.
Ce fut une interpellation totalement arbitraire, seulement fondée sur l'origine et  l'apparence non gauloise de mon ami, et il s'agit là d'un délit de faciès.
Si j'avais été seul sur ce banc jamais je n'aurais été contrôlé parce qu'il n'y aurait eu aucune raison de le faire. Si j'avais été accompagné d'un autre gaulois jamais nous n'aurions été contrôlés parce qu'il n'y aurait non plus eu aucune raison de le faire.

Je terminerai en ajoutant seulement un point d'interrogation à la remarque de cet officier, c'est ça la France ?

En cette période de tensions communautaires ou tant de gens si mal inspirés voudraient voir s'installer le chaos dans notre pays je ne suis pas sûr que le comportement de certains policiers aille dans le bon sens.

Voilà en tous cas une anecdote qui ne fait guère honneur à la Police Nationale.

Je vais maintenant prendre contact avec un avocat afin de m'assurer de la totale légalité de cette détestable et arbitraire intervention et vérifier que le déroulement de ce contrôle ait bien été conforme à toutes les règles en vigueur. Je ne suis certes pas juriste,  mais le code de procédure pénale, en son article 78-2 régissant ces opérations de contrôle, semble contredire certaines des pratiques vécues hier tant sur la forme que sur le fond.

Merci de votre attention.

EC

-----------------------------------------------------

A noter que mon pote, des histoires comme celle-ci, il en a une trentaine à raconter.

A découvrir : http://stoplecontroleaufacies.fr/ 
Si vous avez un moment vous pourrez y lire ce rapport, les maux du déni, 5 ans de contrôles abusifs rapportés par les victimes et leurs familles : 2011 - 2015.


C'est un document certainement dérangeant à lire, on voudrait ne pas croire à certaines histoires, se convaincre que cela ne se passe pas en France, ou encore peut-être se rassurer en se disant qu'on a seulement affaire à une bande de wesh wesh revanchards et voulant bouffer du keuf, ou qu'il ne s'agit là que d'un épiphénomène, d'anecdotes certes regrettables mais ne portant pas à conséquence.
Malheureusement on comprend très vite qu'on a là affaire à un travail de fond, une analyse rigoureuse très bien documentée, sourcée, référencée, sans concession mais sans haine ou colère. Le ton est neutre, impartial, le style direct, incisif, et ne s’embarrassant pas d'effets de plume, les faits parlant d'eux même.

La réalité décrite dans ce rapport, parfois glaçante, ne fait pas seulement que ternir l'image de la Police. Ce qui est déjà regrettable en soi car ces dérives et ces abus ne concernent pas l'ensemble des Policiers, et il est toujours dangereux de généraliser.

Je pense qu'il y a un risque plus grave à la quasi impunité dont jouit cette frange indélicate des forces de l'ordre, qui est de rendre un certain nombre de jeunes, les 15-25 ans étant le plus touchés par cet insupportable harcèlement, plus perméables aux discours d'organisations extrémistes tel Daech,  qui savent avec talent exploiter la colère, la rage, la perte de confiance de ces jeunes dans les valeurs de notre société .

Si l'Etat lui même se renie en apportant indirectement sa caution à ces dérives policières, comment imaginer convaincre ces jeunes des valeurs de notre République et que l'état de droit existe pour tous les citoyens de ce pays ?


Si vous avez encore des doutes vous pouvez également consulter cette autre étude sur la question dirigée par le CNRS : A lire ici

1 commentaire:

  1. Edifiant ! Attention à la montée de la haine, de la violence et de l'exclusion. Attention au communautarisme !

    RépondreSupprimer