vendredi 8 septembre 2017

La France d'ailleurs


Atoll de Clippertone.
Ah putain que c'est beau, avouez que ça sent la France  ....

De cette France d'ailleurs on parle beaucoup ces derniers jours de St Martin et St Barthélémy, ces deux îles des Caraïbes qui subissent les assauts ravageurs de l'ouragan Irma. Je ne suis pas un as en géo et et il m'a fallut un petit moment pour repérer ces deux îlot sur la carte. Merci la fonction zoom !

Ils sont étonnants ces petits morceaux de France éparpillés au bout du monde que nos aventures coloniales ont semé  ici et là.
Dommage qu'il faille attendre le passage d'un ouragan dévastateur pour découvrir ou se rappeler l'existence de nos si lointains compatriotes.

De ces improbables restes de notre glorieux empire colonial certains méritent le détour, au moins celui de notre curiosité.

Connaissez vous par exemple l'île de Clippertone, un confetti de 1,7 km2 dans le Pacifique Nord, à l'ouest des côtes Mexicaines ?
Ah non ce n'est pas grand c'est sûr, d'autant que ce n'est pas véritablement une île, mais un atoll, ce qui enlève encore pas mal de surface habitable. 

On pourrait croire qu'un lieu d'aussi modeste taille et perdu dans l'océan ait été épargné par la bêtise humaine, et qu'il n'y aurait pas grand chose à en dire.
Mais au contraire, et ces quelques dérisoires hectares de sable ont su aussi aiguiser l'insatiable appétit des hommes.

Puisque c'est un vendredi saint, celui du 3 avril 1711, que fut découverte cette île inhabitée et sauvage, elle fut d'abord baptisée « Île de la Passion ». 




Ce n'est que plus tard qu'elle sera dénommée « île de Clipperton », du nom d'un flibustier Anglais qui aurait débarqué sur les rivages de l'atoll quelques années avant les Français. Y aurait-il enterré un trésor ?
  
Une conquête somme toute assez modeste qui on l'imagine ne suscita pas un grand intérêt dans la métropole. Il faudra quelques années pour s'aviser dans les années 1850 de la position stratégique de ce microscopique territoire situé juste en face du canal de Panama. Juste en face mais distant  quand même de 2000 bornes environ à vol d'oiseau.  Stratégique peut-être mais sans doute pas pratique !
Quoi qu'il en soit, la France prend possession de l'île en 1858, mais sans pour autant s'y installer formellement, laissant seulement flotter un drapeau dressé à la cime du plus haut sommet du coin qui s'élève à ... presque 30 mètres. 
Personne en tous cas n'a à cette époque l'idée de contester à la France l'annexion de ce grain de sable dans le Pacifique.

Ce sont des années plus tard, à la fin du XIX ème, que les Mexicains ont commencé à lorgner sur notre bout d'empire et à en revendiquer la propriété.
Mais ce n'est pas de notre faute, mais celle des Américains, qui ayant découvert sur l'île  la présence en quantité de guano, ont décidé de l'exploiter à leur seul profit sans prévenir personne.

Le guano n'est pas un fruit exotique ou une pierre précieuse, mais un puissant fertilisant nourri d'excréments d'oiseaux et de chauve souris. Le top du bio !

Pendant que les instances internationales vont s'écharper un moment sur cet épineux problème de propriété de l'atoll, qui ne trouvera d'issue qu'en 1931, les Mexicains s'en vont eux en 1907 préventivement occuper le terrain en envoyant s'installer une garnison de troupiers accompagnés de leur dames et des enfants, tous certainement heureux de se retrouver au milieu de nulle part à 2 ou 3000 kilomètres du premier signe de civilisation.

La présence Mexicaine dura jusqu'en 1917 et connut une fin peu glorieuse. C'est que le Mexique, en proie à cette époque à de nombreux bouleversements politiques avait un peu oublié Clippertone et ne ravitaillait plus la petite colonie, la condamnant à la famine et la mort.
Ce ne fut même pas la marine Mexicaine qui sauva les derniers survivants, 3 femmes et quelques enfants, les seuls rescapés de l'aventure.

Les dernières années ne s'étaient guère montrées clémentes pour le petit groupe d'aventuriers, jalonnées de nombreux drames, de naufrages, de meurtres, d'épidémies, qui avaient décimé la plus grande partie d'entre eux.
Presque tous les hommes avaient succombé quelques mois auparavant, victimes du scorbut, ou emportés par la mer. 
Le seul représentant mâle qui avait survécu avait pris un coup de chaud au casque, se proclamant roi de Clippertone et réduisant ses compagnes d'infortune  en esclaves sexuelles. Deux moururent de ses sévices, et les survivantes durent patienter deux ans avant de parvenir à se débarrasser de leur bourreau, à coups de marteau sur le crâne dit la légende.

Mais l'histoire ne s'arrête pas là. En 1944 ce sont les Américains qui  débarquèrent là, tout autant pour s'assurer une base arrière dans sa guerre contre le Japon que prévenir une prise de contrôle nazie. Au cas ou, même si je ne suis par certain qu'à cette époque l'atoll de Clippertone ait fait partie des priorités d'Hittler
Il reste du passage des G.I une piste d’atterrissage recyclée par les narcotrafiquants en arrêt pipi, et un dépôt de munitions  pourrissant dans le sable au milieu des crabes.
Les Américains ont bien tenté de nous déposséder de notre bien, mais les vives protestations des gouvernants d'alors ont rapidement abouti à leur revirement.
Go home  et Cocorico, l'île de Clippertone reste Française.

Aujourd'hui l'îlot accueille essentiellement des missions scientifiques. Certains militent d'ailleurs pour que  Clippertone deviennent une station scientifique permanente.
Pour la France l'intérêt est qu'elle n'a que ce modeste bout de terre pour la représenter dans le Pacifique Nord, même si on peut se demander quel poids pourrait bien avoir dans la géopolitique mondiale un confetti de moins de 2 kilomètres carrés perdu en plein océan. 
Mais le plus important est que cette possession offre à la France une Zone supplémentaire d'Exclusivité Economique de plus de 430 000 km2, c'est à dire un espace ou l'on fait ce qu'on veut en matière d'exploration et d'utilisation des ressources. Et autour de Clippertone, on pêche du thon, beaucoup de thon. Ce serait même une des régions les plus riche en thonidés. 

Un chouette coin non ?
Allez hop c'est décidé, l'année prochaine je pars en vacance à Clippertone ...


5 commentaires:

  1. Une belle découverte, je ne connaissais pas ce confetti et voici ma lacune comblée grâce à ton article. Bien sur son histoire n'est pas très glorieuse, mais je ne connais aucune conquête de territoire qui ai été glorieuse, le meilleur exemple n'est pas une petite ile mais un continent, je devrais dire deux continents qui ouvrent l'alphabet, A comme Amérique, A comme Australie.
    Amicalement
    Claude

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  2. merci pour ton intéressant commentaire...
    amicalement
    Eliane

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  3. On va partout fourrer nos sales pattes !

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  4. Malgré mon amitié (naissante) pour toi, je ne crois pas que je t'accompagnerai dans ton voyage. D'autant que planter ma tente dans le guano, ce serait beurk !

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  5. Si c'est un bon coin pour la pêche, on arrive...

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